Monastère des dominicaines de Lourdes

L'ascension de Jésus

Lecture

Les apôtres, s’étant rassemblés, demandèrent à Jésus : « Seigneur, est-ce en ce temps que tu rétabliras la royauté pour Israël ? » Il leur dit : « Il ne vous est pas donné de connaître les temps ou les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. Mais vous recevrez une puissance venant du Saint-Esprit, qui viendra sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, et dans toute la Judée, et en Samarie, et jusqu’à l’extrémité de la terre ».
Après ces paroles, alors que [les apôtres] regardaient [Jésus], il fut élevé et une nuée le déroba à leurs yeux. Et comme ils avaient les regards fixés vers le ciel, tandis qu’il s’en allait, voici que deux hommes parurent en vêtements blancs, et dirent : « Hommes de Galilée, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder le ciel ? Ce Jésus, qui a été enlevé d’auprès de vous au ciel, viendra de la manière dont vous l’avez contemplé s’en allant au ciel » (Ac 1, 6-11).

Méditation

Le temps de l’absence

Les apparitions pascales de Jésus ont familiarisé les apôtres avec une présence sur fond d’absence. Son Ascension marque la fin de cette expérience : désormais s’ouvre le temps de l’absence, le temps d’une relation dans la foi. La foi des chrétiens, en effet, ne sera pas fondée sur des apparitions pascales, mais sur le témoignage des apôtres qui ont vu le Ressuscité. C’est pourquoi Jésus annonce la venue de l’Esprit, qui fera justement de ses apôtres, des témoins de sa résurrection.

Ultime message du Christ roi

Les apôtres pourtant, au matin de l’Ascension, sont bien loin de se préoccuper de devenir des témoins. La résurrection de Jésus les conduit sur un tout autre chemin. Elle fait renaître leur espérance terre à terre, qui avait été engloutie par la croix : « Seigneur, est-ce en ce temps que tu rétabliras la royauté pour Israël ? » Le rétablissement d’une royauté politique : voilà l’objet de la dernière conversation des apôtres avec Jésus ! Retrouver l’indépendance politique, sous la houlette d’un roi fils de David, c’était le désir des foules après la multiplication des pains (Jn 6, 15) ; c’est encore l’attente des apôtres : la résurrection de Jésus ne serait-elle pas l’inauguration du rétablissement de cette royauté ?
Mais Jésus les fait changer de plan : le déroulement du dessein bienveillant de Dieu dans le temps ne relève que du Père ; les hommes ont à en accueillir la réalisation. Il y a eu l’appel d’Abraham et le don de la circoncision ; Moïse et le don de la Loi ; les prophètes et un premier don de l’Esprit ; enfin la venue du Fils dans notre monde à la plénitude des temps et le commencement de notre divinisation. Maintenant un temps nouveau commence avec sa résurrection, la venue de l’Esprit et l’envoi en mission : c’est le temps de l’Eglise. C’est de ce temps-là que doivent s’occuper les apôtres. Mais du rétablissement de la royauté, il ne dit rien, c’est le secret du Père.
Prêtons l’oreille, et nous entendrons Jésus en dire plus long à ses apôtres sur sa royauté : « Je suis bien venu pour établir une royauté : je suis mort pour cela ! Souvenez-vous : la royauté était au cœur de mon procès ; elle a même été le motif de ma condamnation. Je suis venu rétablir, non une royauté politique, mais l’homme dans sa royauté initiale. Ma royauté s’étend bien au-delà d’Israël : elle est pour tous ! Israël n’a-t-il pas été choisi pour que la royauté de Dieu s’étende à tous ? Son élection est en vue de tous.
« Quant à vous, ne cherchez pas à savoir quand ma royauté sera établie, mais devenez des témoins du roi Seigneur (Ac 2, 14-36) : vous contribuerez ainsi vous-mêmes à faire advenir ma royauté. Je suis bien le descendant de David : je me suis assis sur le trône de mon aïeul (cf. Ps 131, 11) ; c’est moi le roi-messie, ressuscité d’entre les morts (cf. Ps 15, 10). Mais, comme je l’ai dit à Pilate, “mon royaume n’est pas de ce monde” (Jn 18, 36). Je vous quitte maintenant pour aller siéger à la droite du Père (cf. Ps 109, 1) ; vous, vous serez mes témoins, vous annoncerez ma mort et ma résurrection.
Je mettrai en vous une force, la force de l’Esprit, qui fera de vous mes témoins. Comme moi, vous endurerez persécutions et outrages, jusqu’au sang versé, jusqu’au martyre. »

Le roi est acclamé dans le ciel

Le roi, qui avait été élevé sur la croix comme sur un trône, monte maintenant au ciel (Ps 46, 6). Jésus quitte ses apôtres et vient siéger à la droite du Père : grande joie dans le ciel ! Des louanges fusent de tous côtés. Au « Saint, Saint, Saint est le Seigneur Dieu, le Tout-Puissant, qui était, qui est et qui vient » (Ap 4, 8), répond une acclamation à l’Agneau vainqueur : « Tu es digne, notre Seigneur et notre Dieu, de recevoir la gloire, l’honneur et la puissance, car c’est toi qui as créé toutes choses, et c’est par ta volonté qu’elles existèrent et qu’elles ont été créées » (Ap 4, 11). Tous sont dans l’admiration, dans l’action de grâces : les anges et aussi tous ceux que l’Agneau a rachetés par son sang (Ap 5, 9), les captifs qu’il a entraînés avec lui vers le Père (Ep 4, 8) pour faire d’eux un peuple de rois (cf. Ap 5, 10), pour leur faire partager sa royauté. Une foule immense s’écrie : « Alleluia, car il règne, le Seigneur notre Dieu, le tout-puissant ; réjouissons-nous, soyons dans l’allégresse et rendons-lui gloire, car voici les noces de l’Agneau » (Ap 19, 6-7). C’est une joie sans pareille pour tous, et la joie du Père n’est pas la moindre : il voit son Fils revenir en emmenant avec lui, en lui, une multitude de frères : tous ses enfants dispersés aux quatre coins du monde. Voilà enfin réalisé son dessein bienveillant pour les hommes… le rêve éternel de Dieu !
En Jésus, de nouveaux enfants d'adoption glorifient le Père. En effet, par sa croix et sa résurrection, le Christ a épousé l'humanité, il ne fait plus qu'un avec elle à tout jamais. Il entraîne donc son Corps vers le monde nouveau de la Résurrection, dans son mouvement d’ascension vers le Père : comment les membres du Corps ne seraient-ils pas là où se trouve la Tête ? La joie de Dieu, sa Gloire, c'est l'homme vivant de sa vie : « la gloire de Dieu c'est l'homme vivant  ». Le torrent d'amour, le fleuve de vie, qui s’est épanché du Père vers les hommes, revient à sa source ; en effet, l'amour donné par le Père revient enfin à Lui, car en Jésus, l'homme répond désormais à cet amour, en une immense action de grâce. Le Père se fait accueil, il ouvre grand ses bras à tous ses enfants nouveaux-nés, à tous ceux qui sont fils dans son Fils. L'amour qu'il reçoit rejaillit en amour. La liturgie céleste est née : elle commence avec ce mouvement de retour. N’est-elle pas la célébration de ce partage d'amour où chacun est tout entier vers l'autre ? Elle est fête, festin, noces !
Ce déploiement de la victoire pascale dans la Liturgie céleste, l'Epître aux Hébreux la résume en un mot : Jésus est notre Grand-Prêtre (He 2, 13-17 ; 5, 9 ; 7, 25.27).

Notre ascension

L’Ascension de Jésus n’est pas un événement passé qui ne concernerait que lui. Elle ne sera totalement accomplie que lorsqu’il aura achevé son œuvre pascale, lorsqu’il aura tout rempli (Ep 1, 22).
Jésus viendra comme il est monté au ciel, disent les anges, c’est-à-dire dans une nuée ; autrement dit, il sera proche tout en restant caché. Jésus semble disparaître en montant au ciel ; c’est pourtant alors qu’il commence à apparaître et à venir. Tout instant est le moment de sa venue (Ac 1, 11). Mais cette venue est cachée, ou plutôt voilée : elle se manifeste à travers des signes.
Comme aux apôtres, les anges nous disent de ne pas passer notre temps à regarder vers le ciel, comme si, avec le départ de Jésus, tout était fini pour nous sur la terre ; comme si Jésus, en remontant vers son Père, nous quittait et nous laissait orphelins ; comme si la joie de sa présence ne pouvait être que dans un ailleurs. Non ! Le ciel et la terre sont désormais intimement unis : le Père et le Fils ressuscité agissent sans cesse en notre monde (Jn 5, 17).
Désormais auprès du Père, Jésus travaille sans se lasser, jusqu’à ce qu’il ait entraîné tous les membres de son Corps dans son mouvement d’ascension. N’a-t-il pas dit : « Je veux que là où je suis eux aussi soient avec moi » (Jn 17, 24) ? Le Père nous attire, mais c’est Jésus qui nous entraîne en nous vivifiant par son Esprit.
L’œuvre du Père et du Fils en notre faveur, c’est le partage de la communion dans l’amour qui les unit dans l’Esprit ; leur œuvre par excellence, c’est la Liturgie. La Liturgie céleste, en effet, n'est pas un point d'achèvement. Le fleuve de Vie n’est pas parti loin de nous par l'Ascension du Seigneur ; bien au contraire, du trône de Dieu et de l'Agneau, il se répand sur tous. La célébration éternelle de la Liturgie ne se déroule pas dans un ailleurs inconnu, elle nous rejoint par et dans notre liturgie terrestre qui ne cesse de faire advenir la création nouvelle.
Le Christ, en effet, nous a tous portés au sein de la Trinité par son Ascension, mais il se fait à chaque instant le Serviteur de son Corps, jusqu’au plus petit de ses frères : il l'appelle, le nourrit, le guérit et le fait croître, lui pardonne et le transforme, le libère et le déifie, lui révèle qu'il est aimé du Père et se l'unit de plus en plus jusqu'à ce qu'il parvienne à sa pleine stature dans le Royaume. Qui ne reconnaît là l’œuvre accomplie dans les sacrements ?
Jésus part pour que vienne l’Eglise. Il vient dans son Eglise. Il vient par les célébrations liturgiques ; là, les membres de son Corps sont rassemblés, là nous vivons déjà de la Liturgie éternelle qui ne cesse de nous entraîner vers sa source : le Ressuscité.

 

Prière

Par l’intercession de Marie, Médiatrice de toute grâce, que les chrétiens accueillent le don qui leur est fait dans la Liturgie et se laissent entraîner vers le Père.

 

Contemplation

Réjouis-toi, Marie, comblée de grâce,
le Seigneur est avec toi,
tu es bénie entre toutes les femmes
et béni le fruit de ton sein,
Jésus,
- monté au ciel dans une nuée
- qui envoie ses apôtres témoigner de sa résurrection
- notre roi
- notre Grand-Prêtre
- notre avocat auprès du Père
- qui travaille toujours
- qui vient à nous dans la Liturgie
- qui nous entraîne dans son mouvement d’ascension
- qui remplit tout
- qui unit le ciel et la terre
Sainte Marie, Mère de Dieu,
prie pour nous, pauvres pécheurs,
maintenant et à l’heure de notre mort
AMEN.


Irénée, Adversus Haereses, IV, 20, 5-7.

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